Beaux-arts fiasco
- William Beville
- 26 avr.
- 6 min de lecture

Il y a bientôt 20 ans, j’arrivais au terme de mes années lycéennes, je fis alors face à l’étape fatale du choix de « l’orientation post-bac », moment plus ou moins bien négocié par les élèves. Je n’avais aucune idée du métier que je voulais exercer, à peu près toutes les matières m’ennuyaient et je n’étais touché que par la musique, la poésie et la bande dessinée. J’ai donc fait le choix douteux de m’inscrire aux Beaux-arts, la voie de garage la plus royale de toutes les filières universitaires (à part peut-être arts du spectacle). A 18 ans, on ne pense pas encore sérieusement à sa future insertion professionnelle (en tout cas pas moi), aux débouchés offerts par son cursus, aux secteurs « en tension » et à toutes ces considérations sinistres. Non, à 18 ans, on s’illusionne, on ne pense qu’à soi et ses potes, à faire la fête, picoler, rigoler et baiser.
Bref, j’étais un jeune branleur comme les autres, avec une sensibilité artistique et un côté rêveur. J’ai donc passé avec succès le concours d’entrée aux Beaux-arts de Caen. A l’époque, les écoles d’art ne s’étaient pas encore tout à fait transformées en bureaux d’accueil solidaire pour post-adolescentes fragiles à cheveux bleus et féministes névrosées en plein questionnement de genre, qui se prennent pour des intellectuelles parce que des artistes ratés (les profs) leur ont répétés qu’au lieu d’acquérir un savoir-faire, il faut « interroger le rapport à ceci… » et « questionner la relation à cela… »
C’était le monde d’avant Metoo, le wokisme, les luttes intersectionnelles et les changements de sexe prescrits aux adolescents. Bien sûr, dans ma promo, il y avait bien les inévitables queer mal dans leur peau, mi-gothiques mi-punk, avec leur teint blafard, leurs godasses compensées et leurs gants en résille, mais le gros de la troupe était constitué de gars normaux (comme moi), de jeunes filles coquettes et de quelques garçonnes un peu paumées. Les premières années, l’ambiance était donc agréable et détendue, pas de parasitage politique, pas de revendications agressives, pas de discours militants sur la transidentité de mes couilles.
J’avais, de plus, plutôt la faveur de mes enseignants, ayant des facilités en dessin et en peinture. Mon professeur de couleur, un vieil homosexuel dodu avec une tête de chérubin, m’avait particulièrement à la bonne, je le soupçonnais d’ailleurs d’avoir des vues sur moi (grand classique du vieil esthète émoustillé par ses étudiants). Quoiqu’il en soit, c’était un excellent enseignant, passionné, drôle et attachant. Il avait un côté dandy précieux, avec ses pantalons en velours côtelés jaunes et ses écharpes en soie, qui tranchait avec l’allure morne des autres professeurs. Il nous emmenait au musée de Beaux-arts, pour étudier et copier des tableaux de maitre, le seul exercice véritablement utile, finalement.
C’était l’unique professeur qui avait gardé un rapport académique à son enseignement. Le reste des cours, si on excepte l’histoire de l’art (limité au XXe siècle), versait déjà plus ou moins dans le n’importe quoi « expérimental », avec ses workshops, ateliers transversaux, laboratoires modulaires et autres appellations fumeuses, censées nous initier aux « pratiques plastiques contemporaines ».
Les cours de dessin n’échappaient pas à ces fumisteries pseudo-novatrices. Un jour, la prof, une espèce de dondon au cheveux ras, toujours habillée en noir, nous avait demandé de faire un dessin à deux, avec le poignet attaché à celui de son binôme. L’intérêt supposé de l’exercice était de réussir à maitriser son geste malgré la contrainte du mouvement de son camarade. Comme des couillons, on s’était tous retrouvés accroupis par deux, sur de grandes feuilles de papier, à essayer de gribouiller un truc cohérent en se grimpant à moitié les uns sur les autres. O avant-gardisme pédagogique ! Flairant la supercherie, un de mes potes s’était permis de lancer à la prof un « ça sert à rien » plein de bon sens. Celle-ci l’avait virée du cours sans ménagement. « Je connais mon métier » avait-elle lancé d’un ton suffisant, sans doute heurtée qu’un élève remette en question la pertinence de son exercice à la con. Les artistes contemporains ne sont pas très tolérants. Qu’on leur rappelle l’inconséquence de leur délire et ils convulsent.
Pendant les examens et les expositions collectives, Il y avait un mot que les profs ne cessaient de répéter quand ils devaient commenter ou délibérer de la qualité des productions. Ce mot, c’était intéressant. Le mot-valise le plus poncé de l’histoire. Une bombe de peinture vide plantée dans la terre ? intéressant ça…Une paire de palme recouverte de givre ? mmmh oui très intéressant ça…Une rambarde suspendue au plafond avec un fil de fer ? particulièrement intéressant …Quand on ne sait pas quoi dire, on dégaine « intéressant » et ça passe, on fait comme si on avait ressenti ou compris quelque chose. Quand une œuvre n’est ni puissante, ni belle, ni effrayante, ni bouleversante, ni sublime, ni touchante, alors on peut dire qu’elle est « intéressante ».
J’ai finalement décroché ma licence avec les félicitations en 2010. L’un des membres du jury était un plasticien relativement connu et il avait installé une de ses œuvres sur la place Saint-Sauveur de Caen, à proximité d’une magnifique statue de bronze, un Louis XIV en césar datant du XVIIe siècle. Son installation représentait une série de volumes en résine grise, vaguement anthropomorphes, ressemblant à des êtres difformes, dans différentes poses. Des sortes de sculptures en chewing-gum gum, grossières, laides et dont la pauvreté plastique éclatait en comparaison du bronze royal qui dominait la place. Celui qui m’avait attribué les félicitations était donc l’auteur de cette merde. Le peu de crédit que j’accordais encore à ma formation artistique disparut totalement.
Je décidais malgré tout de poursuivre mes études à Rennes. Oui je sais, quelle idée d’aller s’embourber dans ce cloaque d’étudiants crasseux, mais, encore une fois, j’étais jeune et pas encore prêt à délaisser le ronron de la vie étudiante, avec ses charmes, ses facilités et son insouciance. Lors des deux dernières années aux Beaux-arts, les cours sont réduits à de la théorie (esthétique) et à quelques séances de modèles vivants, les étudiants devant élaborer « le projet » qu’ils présenteront en fin de cycle. Un professeur référent est censé superviser ce projet en s’entretenant une fois par semaine avec son étudiant. Ce suivi se limite à 15 minutes de parlotte hebdomadaire.
Bref, j’avais du temps libre, que je passais le plus souvent à la bibliothèque, lisant des ouvrages de Richard Millet, Jean Clair, Otto Weininger ou Julius Evola. J’étais déjà mal parti, idéologiquement, pour me fondre dans le milieu de l’art contemporain. Le conformisme des élèves et la médiocrité de l’enseignement achevèrent de me dégouter et c’est avec un certain soulagement que je parvins au terme de mon cursus, après avoir obtenu mon master. Je suis finalement resté 5 ans aux beaux-arts. Mes études ne m’ont à peu près servi à rien sinon à me fournir une petite culture en histoire de l’art, compétence à peu près nulle sur le marché du travail, et que j’aurais tout aussi bien pu acquérir tout seul. Les profs eux-mêmes ne semblaient même pas prendre leur boulot au sérieux et se lamentaient même à l’occasion de la nullité des élèves, qu’ils n’avaient pas formé…
Aujourd’hui, les écoles d’art, à l’instar des facs de sciences humaines, sont devenues des réceptacles à gauchistes négligés, bien plus remarquables par la variété de leurs psychopathologies que par leur potentialité artistique. Il y est finalement peut question d’art, puisque ce terme ne recouvre aujourd’hui rien de précis et que l’enseignement académique du dessin, de la peinture et de la sculpture a depuis longtemps été abandonné. Les effectifs effrayants qui errent dans ces établissements ressemblent à un amalgame entre militants LGBT, circassiens sous stupéfiants, hommasses aigries et tantes malaisantes, auxquels, au terme de 5 années de divagations conceptualo-féministo-masturbatoire, on décerne un diplôme aussi utile qu’un trou de balle au niveau du coude. Ces créatures se retrouvent alors plongées dans le bain glacial de la réalité, où elles s’aperçoivent que iels n’existe pas et que l’écriture inclusive dans les CV, ça ne permet pas de décrocher autre chose qu’un mi-temps précaire de médiatrice au centre d’art de Kerbigouden ou au Frac de Brest.
Bref, la meilleure réforme d’un gouvernement sain, concernant les écoles d’art, consisterait tout simplement à les fermer et à les remplacer, pour le salut de la beauté, par des ateliers de maitres-verriers, de peintres d’icônes ou de tailleurs de pierre.
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