Adam et Ève, leçon originelle pour un monde brisé
- William Beville

- 19 nov.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 nov.

Pour qui sait voir et sentir, il est évident que nous vivons aujourd’hui dans un marasme humain. Acteurs aliénés d’un corps social désagrégé, hommes et femmes errent sans repères, désorientés, démoralisés, avachis, vivant dans l’oubli ou le reniement de ce qui constitue leur condition première. Celle-ci fut clairement défini en peu de mots dans la Genèse et, que l’on soit croyant ou pas, elle s’impose naturellement à l’esprit conscient et lucide. Il en va de l’histoire des hommes comme des pérégrinations du voyageur aventureux ; lorsqu’on s’est perdu en route, il faut revenir à son point de départ. Fondatrice de l’humanité, l’histoire d’Adam et Ève concentre dans ses symboles une leçon éternelle sur la nature des psychologies masculines et féminines, dans leur relation mutuelle ; et sur leur faille morale qui, dès l’origine, les expose aux entreprises du mal. Les causes et les conséquences du péché originel nous donne une leçon sur notre époque, laquelle réitère allègrement la faute du premier couple et souffre de ses répercussions à une échelle sans doute jamais vu.
Premier chapitre de la Bible, le récit de la création du monde est d’une simplicité enfantine. En 7 jours, Dieu crée la terre et tout ce qu’elle contient, végétation, oiseaux du ciel, bêtes terrestres et marines. Point final de sa création, Adam, le premier homme, est modelé d’argile et animé du souffle divin. Dieu lui donne la mission de nommer les animaux, puis décide de lui associer une aide. Après avoir « fait tomber une torpeur » sur Adam, il tire Ève de sa côte ; la première femme est née. Pourquoi la côte ? Partie médiane du corps, située au flanc de l’homme, elle souligne, dès l’origine, l’égale dignité du sexe féminin, située « au côté » d’Adam. Ève est conçue comme le complément du premier homme et les deux sexes seront éternellement liés dans leur devenir, l’un s’ajustant automatiquement aux variations de l’autre.
Voilà le couple originel placé dans le jardin d’Éden, entouré des merveilles de la création. Tout est permis sauf une chose : ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, au risque de mourir. Dieu prive ainsi Adam et Ève de la connaissance morale car l’ordre moral ne peut pas être crée par l’homme ; celui-ci doit s’adapter aux lois de Dieu.
Bien évidemment, sans transgression de l’interdit, pas d’histoire. Ève joue le rôle du détonateur. Elle se laisse séduire par le serpent, plus tard identifié au diable, qui, avec ruse, exploite sa compassion innée et la convainc de goûter au fruit défendu. Ce n’est donc pas par un acte de colère, de violence ou de haine que le monde est brisé mais par l’exploitation malfaisante d’une qualité dévoyée (l’empathie féminine), leçon cruciale pour notre époque prétendument vertueuse, bien-pensante et tolérante. Le diable cible la femme car il sait qu’elle est tentée par l’idée orgueilleuse qu’il est possible d’étendre la bienveillance maternelle au monde entier, y compris au serpent le pus venimeux. Cet enseignement nous concerne au plus haut point…
En effet, depuis deux ou trois décennies, la féminisation massive de certains secteurs professionnels tels que la magistrature et l’éducation ne semble pas faire débat et la critique de ce phénomène est à peu près tabou. Problème, celui-ci est corrélé à l’effondrement du niveau scolaire, à la généralisation du laxisme judiciaire et à l’explosion de l’insécurité. Ces marqueurs de la désintégration sociale ont sans doute de multiples causes mais celle-ci ne semble jamais être évoquée. Un avertissement limpide nous est pourtant adressé dans la Genèse à ce sujet. L’ordre du monde est sapé par l’excès de bienveillance féminine, exploité par le mal. Ces deux composantes du péché originel semblent s’attirer comme des aimants et travaillent à la déstabilisation de pans entiers de la société. A chaque fois qu’un multirécidiviste n’est pas condamné par une magistrate, qu’un criminel est relâché sans avoir purgé l’intégralité de sa peine ou qu’une enseignante souhaite complaire à de mauvais élèves, il faut y déceler l’écho de l’antique attirance d’Ève pour le serpent. L’empathie maternelle est un poison quand il s’agit d’instruire, d’exercer la justice et de punir. L’inconscience d’Eve, sa mollesse et sa tendresse pour le marginal, son penchant pour les exclus, les défaillants, les vicieux font le lit du laxisme, du pédagogisme, de la non-discrimination et de l’impunité qui règnent à peu près partout aujourd’hui en France.
Adam ne doit pas être épargné. Pendant qu’ Ève est occupée à se laisser embobiner par le serpent, on ne sait pas trop où est passé le premier homme. Celui-ci n’a pas compris que, même au Paradis, la femme est capricieuse et qu’il est prudent de la surveiller. Pire, une fois la pomme croquée, Adam se laisse entraîner dans le péché et cède à son tour. L’ancêtre de tous les cucks n’a pas le manche suffisamment rigide pour dire non à sa femme. Problème, sa candaulerie entraînera la chute du genre humain dans une destinée de travail, de souffrance et de mort. Au moment où Dieu s’aperçoit de la suprême transgression, il s’en va demander des comptes au couple originel. Il s’adresse à Adam, qui essaye de se planquer dans un bosquet comme un vulgaire gitan pour échapper au jugement divin. Il n’assume pas, il rejette la faute sur sa femme, qui elle-même rejette la faute sur le serpent. Lâcheté de l’homme, irresponsabilité de la femme. C’est l’histoire de la guerre sans fin entre les sexes. La femme reproche à l’homme les contraintes et les lacunes de l’ordre social, l’homme reproche à la femme de l’avoir mis face à ses propres défauts.
Le péché d’Adam est de céder à la demande d’Ève comme un béta sans autorité. Rien de ce qu’elle demande, veut ou exige n’est trop somptueux. Au lieu de rejeter la pomme, de mettre une claque à sa compagne et de défoncer le serpent, il veut complaire à Eve et viol allègrement le premier commandement de Dieu. Même après son erreur, il aurait pu s’abstenir de rejeter la faute sur sa compagne et sur la force divine qui l’a engendrée ; accepter la responsabilité de son erreur et se racheter. Mais non, pire encore, il redouble d’orgueil, allant jusqu’à prétendre à une supériorité morale sur Dieu. Nous en sommes encore là. Nous vivons dans un monde rempli de cucks sans colonne vertébrale, ingrats, intimidés par la doxa (féministe) et châtrés par l’organisation socio-économique. Ne vivant que pour eux-mêmes, ils n’ont pas conscience de la source de leur vilénie, ayant renié Dieu et ignorant les lois fondamentales de la vérité révélée.
Conséquence du péché originel, Adam et Ève deviennent conscients. « Les écaillent leur tombèrent des yeux, ils virent et surent qu’ils étaient nus », Gn 3-7. Ils éprouvent alors la honte, avant d’être chassés du paradis et d’être la proie des souffrances du monde profane. C’est la fin de l’innocence première. Dans le récit biblique, la conscience est assimilée à la souffrance, vérité mise en évidence par la neuropsychologie, qui affirme que la souffrance neurotique et la conscience de soi-même ne font conceptuellement qu’un. Nous souffrons lorsque nous sommes excessivement attentifs à nous-même, quand l’esprit manque de stimulation extérieure et se replie sur lui-même, absorbé dans le marasme de ses ruminations. De plus, la focalisation sur la perception étroite et distinctive de soi motive des comportements égoïstes, instrumentaux et manipulateurs. Or quelle époque plus que la nôtre a vu le développement d’un narcissisme de masse, où l’obsession du moi va de pair avec un mal-être global exploité par les professionnels du bien-être et de la psychologie. Nous nous auscultons, nous scrutons, nous analysons, lors de nos larges plages de temps libre, et nous expérimentons ainsi douloureusement la première conséquence de la chute.
Adam et Ève se sont laissés posséder par l’orgueil, ils ont prétendu être plus que ce qu’ils étaient, en défiant l’ordre de Dieu. Premier des péchés dans la doctrine chrétienne, l’orgueil est toujours annonciateur d'une catastrophe, à l'échelle individuelle et collective. Celui-ci ravage aujourd'hui un monde où les hommes s'imaginent pouvoir s'autodéfinir intégralement, parfois au mépris des lois naturelles les plus incontestables. La prétention universelle a pris des proportions faramineuses. Chacun se croit exceptionnel et unique, en médiatisant une représentation fantasmatique de sa personne via les réseaux sociaux, et ceci avec d’autant plus d’aplomb que les critères permettant de juger du bien et du mal, du beau et du laid, du vrai et du faux ont été évacué par une postmodernité nihiliste, dépossédée de tout appui transcendant.
Après avoir gouté au fruit défendu, le couple originel ne possède pas simplement la connaissance du bien et du mal ; le terme « connaissance » fait référence à la maîtrise complète qui permet de façonner, de modifier et de définir le bien et le mal selon les plans de l’homme. Cela revient non seulement à s’approprier la faculté de revaloriser toutes les valeurs, mais aussi l’aptitude de créer des valeurs, de devenir la véritable source de la valeur elle-même, soient les capacités de Dieu en personne. Au cours des siècles, les hommes vivaient avec la conscience que leur vie ici-bas devait être régie par la loi divine, la seule à pouvoir les protéger d’eux-mêmes et assurer la cohésion sociale. La modernité occidentale fut la première à s'opposer à cette antique nécessité, en établissant l'homme comme seul maître de son destin. Nous entrons aujourd'hui dans la phase terminale de cette séquence historique, qui a débuté avec la révolution française et qui diffuse ses ultimes aberrations mortifères à travers un occident en voie de déliquescence.
Qu’est-ce que le wokisme, la théorie du genre, et toutes les idéologies déconstructionnistes, sinon des tentatives de parachever un nouveau système de valeur dans lequel toute hiérarchie, toute contrainte, toute règle sont accusées d'être l'émanation d'un système "patriarcale", lui-même dérivé de la loi du Père céleste ? Entièrement basé sur le ressentiment des « marges » envers la norme, ces phénomènes ne font que répéter une nouvelle fois l’interaction fatale entre Ève et le serpent. L'ordre est toujours menacé par le chaos. La morale unificatrice menace toujours de dégénérer et de se fragmenter en caprices hédonistes ; et la volonté personnelle étriquée de s'élever au plus haut niveau possible sous une apparence de liberté suprême. Gardons en tête la morale éternelle de la Genèse : quand l'homme devient le créateur de ses propres valeurs morales, le jardin se transforme en désert.



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